Feuille d’informations – du 25 septembre au 1er octobre 2022
« Qu’as-tu fais de ton frère ? »
Je lisais récemment sur les réseaux sociaux cette remarque : « qu’est-ce que cela peut bien faire aux opposants à l’euthanasie que la loi permette à ceux qui le souhaitent d’y avoir recours ? Ils ne seront pas obligés, eux, d’y recourir, de quoi s’occupent-ils ? »
« De quoi s’occupent-ils ? » est en effet devenu le slogan de l’ère individuelle et il est difficile de proposer un discours et surtout un engagement différent face à cette revendication individualiste. Nous aurons à réfléchir profondément au sujet de l’euthanasie dans les mois à venir. J’aimerais m’arrêter, ce dimanche, davantage sur la fraternité.
L’évangile que nous accueillons aujourd’hui, l’histoire de cet homme riche qui ne se soucie pas du pauvre Lazare qui souffre à sa porte, nous rappelle que les atteintes à la fraternité ne sont pas nouvelles. C’est même inhérent à la vie de l’homme puisque dès les origines, les relations fraternelles ont été marquées par la violence et c’est pour cela que la deuxième question que Dieu pose à l’homme est bien : « qu’as-tu fais de ton frère ? ». Il ne peut y avoir de vie en société sans la nécessaire préoccupation du devenir de l’autre qui n’est pas seulement un individu qui évolue à côté de moi mais qui est bien celui que Dieu confie à mes soins. La tentation contemporaine serait de vivre les uns à côtés des autres de façon parallèle en ne se préoccupant surtout pas de l’autre. La société aurait alors le seul devoir de se donner les lois qui permettent à chacun de voir ses droits individuels garantis : le droit de mourir quand on veut, le droit de disposer de son corps comme on veut, … Une première limite apparait : le droit de mourir quand on veut devient le devoir des soignants de donner la mort à celui qui veut mourir ; le droit de disposer de son corps devient l’impossibilité pour un enfant de naître et de vivre. Personne ne vit dans une bulle hermétique à toute relation : même Crusoé sur son île déserte rencontrera un jour les cannibales avec lesquels il devra apprendre à vivre selon la justice et Vendredi duquel il sera désormais responsable. Curieusement, ceux et celles qui militent pour que la société garantisse leurs droits de faire ce qu’ils veulent de leur vie sont souvent les mêmes qui ne cessent de nous rappeler que nous avons des devoirs envers les générations futures et que nous devons avoir un comportement responsable pour protéger la terre que nous transmettrons à nos descendants.
Puisque dès les origines, la vie fraternelle est menacée par les aspirations individuelles, les sociétés se sont toujours donné les moyens de protéger les plus faibles contre l’assaut des plus forts ; et c’est bien quand les règles ne protègent plus la fraternité qu’une société devient tyrannique et ne survit plus.
Devant la tyrannie de l’individualisme que l’on voudrait favoriser par la loi, nous devons témoigner de cette bonne nouvelle que le Christ est venu partager notre humanité pour sauver, entre autre, nos relations et pour nous révéler que nous sommes les enfants d’un même Père. Cette fraternité ne se bâtit pas sans la justice et la vérité, elle doit jaillir du réel parfois marqué par le mal et non pas rester le fruit de nos rêves ou de nos utopies. Elle ne se bâtit pas non plus par des grands discours mais commencent dans nos relations les plus proches.
En méditant l’évangile de ce dimanche, nous pouvons demander la grâce de grandir toujours plus dans la fraternité à l’intérieur de nos familles, de notre paroisse, de nos différents lieux de vie pour devenir témoins d’un autre chemin possible. Ce chemin ouvert par le Christ, la société en a cruellement besoin.
Abbé Sébastien Courault