Feuille d’informations – du 19 février au 4 mars 2023
Un carême sans scrupule
Nous voici dans ce temps où le carême vient frapper à notre porte, sera-t-il accueilli avec enthousiasme ou sera-t-il reçu comme une série de devoir fastidieux à accomplir ? Combien de confessions de la Semaine Sainte commencent par « Je m’accuse de ne pas avoir vraiment fais ce j’avais prévu pour vivre le carême »? Il y a un principe spirituel récurrent : plus nous mettons la barre haut, plus nous risquons d’être frustrés de ne pas l’atteindre. Faut-il pour autant renoncer à toute exigence ou effort de notre volonté ? L’enjeu n’est sans doute pas là.
Souvenons-nous d’abord que le carême est un temps de préparation. Ces quarante jours qui vont s’ouvrir, nous sont offerts pour nous préparer à la grande fête de Pâques et au renouvellement des promesses de notre baptême au cours de la vigile pascale. Je suis toujours frappé de constater que nous sommes capables de beaucoup d’énergie et de volonté pour vivre le carême avec des efforts concrets mais que nous vivons le temps pascal de manière moins intense parce que nous relâchons la pression. Si nous essayons de prier davantage, de renoncer à ce qui est accessoire ou de nous ouvrir un peu mieux aux autres, c’est en vue de nous disposer à vivre plus intensément la joie de Pâques. Or, consacrons-nous autant d’énergie à célébrer le temps pascal qu’à pratiquer le carême ?
Redisons-nous aussi que l’évangile de la messe des cendres donne une autre finalité du temps du carême : « Mais toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage ; ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton Père qui est présent au plus secret ; ton Père qui voit au plus secret te le rendra. » Le temps du carême veut nous conduire à une plus grande intimité avec le Seigneur, pour que dans ce cœur à cœur, le Seigneur vienne nous transformer et nous guérir en profondeur. Si nous prions davantage, si nous nous débarrassons de l’accessoire et si nous nous ouvrons davantage aux autres c’est en vue de creuser un espace dans lequel le Seigneur peut venir nous combler. Nous n’aurons pas « réussi notre carême » au seuil de la semaine sainte parce que nous aurons accomplis tout ce qui est sur la liste des choses à faire mais parce que nous nous serons disposés à recevoir la grâce du Seigneur.
C’est donc à un carême libérateur que j’aimerais nous inviter. La liberté que nous visons n’est pas sans exigence mais l’exigence que nous emploierons pendant le carême vise à nous faire grandir en liberté. Libérons-nous alors de ce qui nous retient loin du Seigneur, libérons-nous de la tentation de « faire des choses » qui seraient déconnectées de leur finalité et libérons-nous des scrupules.
Abbé Sébastien Courault