Cette page contient une vidéo, une homélie et un article du Diocèse
Vidéo sur la Commune de Paris « Au détour de nos églises »
Film réalisé par le Diocèse de Paris.
Le martyr des Dominicains d’Arcueil commence à la 11ème minute
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Homélie du fr. Bernard Senelle op – 25 mai 2021
Nous faisons mémoire en ce jour d’un douloureux et tragique événement mais aussi d’une bonne nouvelle, de l’acte de naissance d’une œuvre éducative, le patronage Saint Joseph et caritative, la Mie de pain. Le grain qui meut a porté du fruit. Nous célébrons des morts absurdes mais aussi des vies données pour la parole et la vérité. Des religieux, cinq frère Dominicains et huit laïcs voués à l’éducation sont massacrés injustement au nom d’une révolution anticléricale.
C’étaient des hommes dévoués et de bons prêtres, des religieux fidèles à leur charisme et à leur vocation.
Ces martyrs nous enseignent l’exigence de la suite du Christ crucifié et ressuscité. Elle implique qu’on dise non à soi-même et à son ego comme ultime norme et but de sa propre vie. « Pour être avide du Seigneur, il faut être à-vide de soi-même » écrivait le bienheureux Christian de Chergé, moine de Tibhirine martyr d’Algérie en 1996 avec le bien heureux Pierre Claverie, dominicain. Faire le vide de soi-même, se mettre à l’écoute de la Parole avec l’assurance que le Seigneur travaille avec nous. En tant que Dominicains, les martyrs d’Arcueil ont vécu l’exigence de la Parole.
Ce travail ne s’accomplit pas toujours dans la facilité : il y a la morsure des serpents, les esprits mauvais, l’adversaire qui rôde. La foi et la force reçue du Christ peuvent seule avoir raison de ce mal et nous en délivrer. Parfois, il nous faut opérer une explication avec nous-mêmes, avec la violence qui nous habite, avec la tentation qui est la nôtre, et que nous avons peut-être rencontrée d’abolir le mystère de l’autre qui nous est devenu insupportable et nous fait l’effet d’un poison mortel. Tout cela prend du temps et n’a rien de spectaculaire. Ce fut l’ascèse de ces religieux et des martyrs qui les ont accompagnés.
Nous sommes rassemblés ce soir pour célébrer l’espérance et nous croyons que la joie et la beauté peuvent parfois se cacher dans les misères du monde, sur des sentiers difficiles. Il nous faut accepter de cheminer à la suite des apôtres, d’avancer joyeusement sur ces sentiers désertés ou peu avenants, parce qu’il se pourrait que des panoramas sublimes nous apparaissent en cours de route. Dominique était habité par la joie.
A la suite de Dominique et de celles et ceux qui l’ont suivi, exerçons-nous à percevoir dans le filigrane de l’invisible que tout est pourvu de beauté et de signification, y compris ce que nous serions tentés de repousser ou de fuir. Ce sont là les plus beaux signes qui accompagnent la prédication de Jésus dans le respect de tous. Tout n’a pas été dit. La Parole nous pousse à traquer le trésor des générations nouvelles, des témoins d’aujourd’hui. Les disciples à la suite de tous les prophètes se sont mis en route. Dominique est parti à la suite de nos pères Abraham, Isaac, Jacob, Moïse et beaucoup d’autres qui sont nés pour entreprendre un grand voyage.
Ces éducateurs martyrs, à leur manière étaient des voyageurs. Dans leur métier de transmetteur, ils ont tissé des liens entre ce qui a été et ce qui pourrait être, entre ceux qui ont été et ceux qui pourront être, des liens entre des temps et entre des gens. Ils sont allés au bout et peut-être que leurs bourreaux ont reçu un peu de leur témoignage. « Allons, mes amis pour le bon Dieu » Ce sont les dernières paroles du père Captier avant de mourir avec 7 employés du collège d’Arcueil. Que leur voyage porte des fruits de paix, d’amour et de réconciliation pour notre monde.
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Texte extrait du site du Diocèse de Paris / La Nef n° 35
L’effondrement du Second Empire a été soudain. Le 19 juillet 1870, suite à une crise diplomatique, la France déclare la guerre à la Prusse. Après la défaite de Sedan, le 2 septembre, l’empereur est fait prisonnier avec 100 000 hommes. Le 4 septembre, depuis le balcon de l’Hôtel de Ville de Paris, Léon Gambetta proclame la République et annonce la formation d’un gouvernement de Défense nationale.
L’effondrement rapide de l’Empire ne s’explique pas seulement par le désastre militaire, il est révélateur du caractère fragile de l’adhésion à l’Empire chez beaucoup. Au lendemain de la proclamation de la République, Mgr Darboy, archevêque de Paris, qui avait été Grand Aumônier de l’empereur, entra en contact avec les représentants du nouveau pouvoir et se dit disposé à « prêter au Gouvernement de la Défense un concours loyal ». Il manifestait en cela l’attitude traditionnelle de l’Église qui reconnaît les pouvoirs établis, quels qu’ils soient. Louis Veuillot, dans son éditorial de L’Univers, fut sévère pour le régime qui venait de tomber.
La guerre continuait. Du 19 septembre 1870 jusqu’au bout de janvier 1871, Paris fut assiégé par l’ennemi, ce qui coûtera la vie à plus de 10 000 civils. Le 28 janvier Paris capitula et un armistice fut signé à Versailles pour une durée de vingt-et-un jours. Des élections eurent lieu le 8 février. Elles donnèrent une majorité monarchiste et conservatrice à l’Assemblée nationale, qui se réunit à Bordeaux. Adolphe Thiers fut nommé « chef du pouvoir exécutif provisoire ».
Le 18 mars, une foule et des régiments de la Garde nationale déclenchent une insurrection contre le gouvernement, refusant l’armistice tout en souhaitant une révolution sociale. La Commune de Paris est proclamée le 28 mars, appuyée par certaines unités militaires – les Fédérés – et son gouvernement siégera jusqu’au 28 mai, tandis que le gouvernement légitime, replié à Versailles, mettra deux mois pour reprendre la capitale.
L’anticléricalisme de la Commune
La politique de la Commune sera marquée par une hostilité grandissante envers les hommes d’Église. Pendant quelques semaines, « la vie religieuse est, dans l’ensemble, normale », y compris pour les cérémonies du dimanche des Rameaux, le 3 avril [1]. Mais les persécutions et les troubles vont commencer bientôt.
Dès le 2 avril, la Commune rompt le concordat de 1801 et adopte un décret qui dénonce le clergé comme « complice des crimes de la monarchie contre la liberté » et qui proclame la séparation de l’Église et de l’État, la suppression du budget des cultes et la sécularisation des biens des congrégations religieuses.
À Paris le clergé n’est plus rémunéré par l’État, les biens de l’Église sont confisqués, indirectement tout l’enseignement confessionnel se trouve frappé d’interdiction. Les deux tiers des églises parisiennes vont être fermées, pillées, victimes d’actes de vandalisme ou transformées en prisons, en ateliers ou en salles de réunion pour les clubs politiques.
Ce décret sur l’Église est bientôt suivi d’un décret sur les otages (5 avril) qui permet d’arrêter « toute personne prévenue de complicité avec le gouvernement de Versailles ». En cas d’exécution d’un combattant capturé ou d’un partisan du gouvernement de la Commune, trois « otages du peuple de Paris » seront exécutés en représailles. Nombre de prêtres et de religieux – plus de 300 – vont être incarcérés. L’archevêque de Paris, Mgr Darboy, et son vicaire général, l’abbé Lagarde, sont arrêtés, conduits et interrogés à la préfecture de police. Lors du premier interrogatoire de l’archevêque, le délégué à la Sûreté publique lui lance : « Depuis dix-huit cents ans, vous nous embastillez, vous nous torturez. » Le propos illustre l’anticléricalisme virulent et revanchard qui animait nombre de communards. Mgr Darboy fut emprisonné d’abord à la Conciergerie puis à Mazas, non loin de la Bastille.
À plusieurs reprises, proposition sera faite à Thiers d’échanger le prélat contre le révolutionnaire socialiste Auguste Blanqui, arrêté à la veille de l’insurrection. Thiers refusera toujours.
Le 21 mai, les troupes versaillaises commencent à entrer dans Paris, hérissé de barricades. La reconquête s’accompagne d’une répression brutale lors de ce qu’on appellera la « semaine sanglante », du 21 au 28 mai. En représailles, la Commune exécutera des otages. Le 22 mai, Mgr Darboy et trois cents autres otages sont transférés de la prison de Mazas à celle de la Roquette. Le 24 mai six d’entre eux sont fusillés : Mgr Darboy, l’abbé Deguerry, curé de la Madeleine, l’abbé Allard, aumônier des ambulances, deux jésuites, les pères Clerc et Ducoudray, et Louis-Bernard Bonjean, ancien ministre de Napoléon III et président de la Cour de cassation.
Le lendemain [25 mai 1871], cinq Dominicains du collège d’Arcueil (les Pères Captier, Cotrault, Delhomme, Chateigneret et Bourard) et huit laïcs membres du personnel, qui tous étaient détenus à Bicêtre sont transférés dans une autre prison. Au cours de leur transfert, ils sont tués par balle, en pleine rue, dans des circonstances qui restent sujet à controverse [2] – « les dominicains d’Arcueil tirés à la course, comme des lièvres », écrira Zola. Alors que la reconquête de Paris par les Versaillais se poursuit implacablement, avec beaucoup d’exécutions sommaires, les communards brûlent de nombreux bâtiments publics (notamment l’Hôtel de Ville) et deux églises (la chapelle des Tuileries et Notre-Dame de Bercy).
Le 26 mai, quarante-neuf prisonniers de la Roquette sont choisis comme otages. Il s’agit de 39 civils et de 10 ecclésiastiques : les Pères jésuites Bengy, Caubert et Olivaint, le Père Planchat, frère de Saint-Vincent de Paul, les Pères de la Congrégation des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie (dite de Picpus) Radigue, Tuffier, Rouchouze et Tardieu, l’abbé Sabatier, vicaire de Notre-Dame de Lorette, et Paul Seigneret, un séminariste. Arrivés devant le poste de commandement du 2e secteur, rue Haxo, tous les otages sont tués par la troupe ou massacrés par la foule.
Trois autres ecclésiastiques sont exécutés encore le 27 mai : Mgr Surat, archidiacre de Notre-Dame de Paris, l’abbé Bécourt, curé de Notre-Dame de Bonne Nouvelle et le Père Houillon, des Missions Étrangères de Paris ; tandis que des troupes versaillaises donnent l’assaut aux Buttes-Chaumont et pénètrent au Père-Lachaise où se sont repliés près de 200 fédérés. Après de violents combats, les 147 fédérés survivants sont fusillés.
Le 29 mai les derniers fédérés retranchés dans le fort de Vincennes se rendent. S’ensuivra une très sévère répression : des milliers d’insurgés exécutés sans jugement ou suite au verdict de cours prévôtales mises en place à partir du 23 mai ; puis quelque 4500 condamnations aux travaux forcés ou à la déportation.
Morts en haine de la foi
Lors des funérailles nationales de Mgr Darboy, le 7 juin 1871, sur son cercueil avait été apposée une plaque : « Fusillé par l’insurrection en haine de la foi. » En souvenir du massacre de la rue Haxo, une première chapelle sera édifiée en 1894, qui deviendra plus tard l’église paroissiale Notre-Dame des Otages. Un procès informatif en vue de la béatification comme martyrs du Père Planchat et des quatre Pères de Picpus a été ouvert en 1897. En 1957, la Congrégation des Rites décida d’unir toutes les causes relatives aux martyrs de la Commune. Mais après 1968 Mgr Marty jugea opportun de suspendre l’étude de la cause de Mgr Darboy, ce qui arrêta l’avancée des autres causes.
En 2013, sur les conseils du cardinal Lustiger [donnés quelques années auparavant], les Frères de Saint-Vincent de Paul et les Pères de Picpus obtinrent la réouverture, séparée, de la cause de leurs cinq martyrs. Une Positio, démontrant la réalité de leur martyre, a été rédigée. Un Rapport, suivi du vote positif des consulteurs historiens de la Congrégation pour la Cause des Saints, le 20 octobre 2020, a constitué une nouvelle avancée de la cause de ces martyrs [3].
Le dimanche 30 mai [2021] prochain, en mémoire des martyrs de la Commune, Mgr Aupetit, archevêque de Paris, célébrera une messe à la paroisse Notre-Dame des Otages.