Feuille d’informations – du 17 au 23 mars 2024
Livret de carême avec Saint François de Salles
Accompagner le Fils de l’Homme jusqu’à son dernier souffle
Un fils ayant accompagné son père durant sa fin de vie à l’institut Jeanne Garnier (institut pour les soins palliatifs) témoignait de ce qu’il avait vécu durant ce cheminement. De conciliant à l’idée de l’euthanasie ou du suicide assisté, il est devenu un promoteur des soins palliatifs. A travers ses paroles, et maintenant avec l’expérience de mon service à l’hôpital, je comprends clairement qu’il ne s’agit pas d’accompagner la personne jusqu’à sa mort, mais bien davantage d’accompagner la vie jusqu’au bout. L’amour, la fraternité ne peuvent être que des œuvres de vie, jamais des actes de mort.
Dans l’évangile de ce dimanche Jésus annonce que « L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié ». Il donne une image pour nous faire comprendre de quoi il s’agit. « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, dit-il, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ». Jésus parle de sa passion qui approche, de sa mort et de sa résurrection. Il est ce grain de blé qui doit mourir afin d’apporter le salut et la vie éternelle à tout homme qui croit en lui, tant juif que païen.
C’est le grand désir de Dieu que de venir nous sauver du péché et de la mort. Lui seul peut le faire. Jésus nous fait entrer dans l’espérance de l’évènement pascal. Il ne cherche pas à fuir sa mort, à sauver sa vie, à la garder à tout prix. Il refuse aussi qu’on la lui prenne. Au contraire Jésus la livre par lui-même : « ma vie nulle ne la prend, c’est moi qui la donne ». Et il invite les disciples à entrer dans cette dynamique de vie et de fécondité à rebours d’une culture de la domination et de la toute-puissance.
Durant son chemin de croix, qui commence par l’arrestation, Jésus est d’abord immobilisé, impuissant face aux évènements et aux puissances de morts qui se sont liguées contre l’Innocent. Et durant cette via dolorosa il va être trahi, renié et crucifié : tout entre dans le malheur, la douleur et la brutalité. Peut-être voudrions-nous occulter ce passage et arriver directement à la gloire de la Résurrection, mais nous le savons, il n’y a pas de dimanche sans vendredi.
La tradition nous donne d’accompagner Jésus sur ce chemin. Elle est une pratique de piété qui s’est répandue à partir du XIVème siècle, que nous revivons souvent durant les vendredis de Carême et d’une manière plus générale le vendredi Saint au cœur du triduum pascal. Ainsi nous y rencontrons d’autres personnages de l’Evangile comme les femmes de Jérusalem qui accompagnent Jésus de leurs pleurs, Simon de Cyrène qui l’aidera par sa présence et par ses bras, les larrons compagnons de détresse, Jean et Marie dont l’amour se rejoint au pied du crucifié.
Le chemin de Croix est une école pour accompagner ceux qui sont dans le malheur et les soutenir. Sur ce chemin tout le monde semble impuissant face à la douleur et à l’injustice, mais il est réellement un chemin d’humanisation, un refus de la tentation de la toute-puissance ou de l’indifférence. C’est une école de tendresse où l’on accepte de pleurer avec l’autre, où l’on se rend présent pour soutenir de nos bras celui qui souffre, où l’on se retrouve auprès de celui qui va peut-être remettre son dernier souffle. Ainsi, l’accompagnement du souffrant peut devenir un sommet de la fraternité. Au dire des témoignages il est peut-être le lieu de la réconciliation avec le malade, lieu de communion profonde pour les personnes qui l’entourent, lieu où la pauvreté de la maladie nous introduit dans une relation nouvelle, à la fois souffrante et éclairée par l’amour.
C’est cet amour qui nous permet d’entrer dans l’espérance, car « espérer avec Jésus, c’est apprendre à voir dès maintenant la plante dans la graine, Pâques dans la croix, la vie dans la mort » (Pape François).
Père Philippe-Jacques de Bengy