Feuille d’informations – du 22 au 28 janvier 2023
De l’observation à l’action !
Pour mesurer les enjeux du parcours de Jésus, des choix qu’il pose au début de
sa vie publique, faisons un peu d’étymologie
Avec le nom de Nazareth qui pourrait provenir de trois étymologies différentes :
– Nazareth dériverait de la racine nasard qui signifie en hébreu « celui qui observe », « celui qui garde », hypothétique témoignage de la situation du village établi à une altitude de 400m. Une interprétation de la même racine est parfois proposée comme « celui qui observe la Loi ».
– Une autre approche propose la racine netzer , le « rameau » ou le « surgeon », dans le sens de « la Branche qui portera le fruit » ou encore le « rejeton » d’Israël, en référence à une prophétie d’Isaïe affirmant : « un rejeton sortira de la souche de Jessé, un surgeon poussera de ses racines ». Cette référence témoignerait de l’espérance des fondateurs de Nazareth, des colons de retour d’exil babylonien et se réclamant de la lignée de David, d’y voir naître ce « rejeton » messianique promis à un avenir glorieux.
– Une troisième hypothèse relie Nazareth à la racine araméenne nzr qui signifie « vœu » – qui pourrait alors témoigner des vœux caractérisant les pratiques d’une communauté de Nazirs, des ascètes « qui se vouent à Dieu » – qui aurait fondé la localité.
Et avec l’origine du nom de Capharnaüm (Kefar-nahum) qui est plus clairement identifiée.
En hébreu, Kefar signifie village et Nahum est l’un des douze petits prophètes, dont le nom évoque la compassion, la consolation. C’est dans ce « village de la compassion, de la consolation » que Jésus vient s’installer après avoir quitté Nazareth. À l’époque, c’est une ville animée de 1 500 habitants, avec des marchands, des pêcheurs et une garnison romaine. Jésus y choisit ses premiers disciples, Simon (devenu Pierre) et son frère André, Jacques et son frère Jean, tous les quatre pêcheurs, puis Matthieu, un collecteur d’impôts.
Transformée en lieu de culte et d’assemblée après la résurrection de Jésus, la maison de Pierre devient l’église domestique de Capharnaüm. Après la deuxième moitié du quatrième siècle, c’est tout un complexe religieux qui s’organise autour de la maison.
Jésus est donc passé de la ville de l’observation, Nazareth, à une ville de l’action, Capharnaüm.
Là, Il était observateur de la Loi, ici, Il en sera le réformateur, « pour accomplir les Écritures ». Là, Il était soumis à ses parents (Lc 2,51), ici, Il est libre d’inventer un mode de vie itinérante, fréquentant tous les milieux sociaux. Là, Il approuvait l’ordre de la Loi, Il l’observait de tout cœur. Ici, Il plonge dans le désordre de Capharnaüm, s’affranchissant peu à peu de la dureté de la Loi au gré de ses rencontres pour apporter la compassion et la miséricorde dont Capharnaüm est le nom. Là, Il se préparait à incarner le rameau de Jessé attendu depuis si longtemps. Ici, Il devient le Messie qui guérit, qui libère, le mystérieux pain de vie livrant sa chair pour le salut de tous… Là, Il était protégé, à l’abri, préservé des foules comme le signifiait le nom du site de Nazareth ; ici, Il est exposé, livré à toutes les populations, immergé dans la petite mondialisation de l’époque…
N’aurions-nous pas nous aussi de tels passages à franchir ?
Passer de l’observation à l’action, de l’intégrité à la compassion, de l’ordre de la Loi au désordre de l’amour, de l’héritage à la réforme, de la soumission à la libre invention de soi, d’une vie protégée à une vie exposée, de la propriété personnelle à la communauté des biens, de talents cachés à une prise de risques publique pour guérir, libérer, prêcher, rencontrer ?
Nous n’avons jamais fini de passer de Nazareth à Capharnaüm, puis bientôt à Jérusalem…
Puisse l’Esprit qui a poussé Jésus à sortir de Nazareth nous pousser également à nous établir dans les Capharnaüm de notre temps, parcourant les lieux nouveaux où nos contemporains se rassemblent, commercent, se réjouissent, souffrent et espèrent !
Sylvain Thibon
Diacre Permanent