Feuille d’informations – du 29 janvier au 4 février 2023
La Béatitude, notre espérance
Jésus, dans son enseignement, prononce des paroles d’une force inégalée, qui ont pour caractéristique de toucher le plus intime de notre cœur, et de nous ouvrir à la vérité la plus haute, celle de Dieu lui-même. C’est le cas en particulier des Béatitudes. Elles n’ont cessé d’inspirer les chrétiens. Et pourtant, il n’est pas si évident de bien les comprendre. Constituent-elles un programme de vie, un enseignement moral ? On pourrait le penser, quand Jésus nous appelle à devenir artisans de paix ou à exercer la miséricorde. Mais quand il parle de ceux qui pleurent ou qui sont persécutés pour la justice, on voit plus difficilement le programme de vie !
En réalité, son intention dans les Béatitudes n’est pas d’exhorter à vivre d’une manière ou d’une autre, mais d’annoncer une promesse, celle de la Béatitude éternelle. Ce bonheur qu’il nous promet est une espérance solide, qui est comme une ancre dans le Ciel. Et cette espérance a des conséquences considérables pour notre vie présente. Elle lui donne sa densité. La vie de chacun de nous peut être porteuse d’éternité. Le fait d’avoir évacué cette espérance (ça a été un mouvement très fort au XIXe s.) a eu des conséquences catastrophiques : l’homme est sommé d’obtenir par lui-même et maintenant un bonheur parfait qu’en réalité, il ne parvient pas à atteindre, et de plus, un bonheur qui sera toujours à sa propre mesure, alors que le propre de l’homme est de s’ouvrir à plus grand que lui, à une vie que seul Dieu peut donner. L’espérance chrétienne n’ignore pas nos fragilités, elle est portée par la dynamique de la charité qui voit toujours la possibilité pour le bien de triompher du mal. Lisons, ou relisons l’encyclique Spe salvi, où le pape Benoît XVI développe le thème de l’espérance, et de ses conséquences très concrètes dans la vie présente, et jusque dans la vie politique.
Neuf fois, dans les Béatitudes, Jésus dit « heureux ». Et la neuvième fois, il ajoute : « réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse ». Ce bonheur est offert bien sûr à ceux qui font des efforts pour orienter leur vie vers Dieu, en agissant pour la paix et pour la justice, ou en exerçant la miséricorde, « à cause de moi » ajoute-t-il, car ce ne sont pas nos mérites qui nous rapprochent de Dieu, mais notre foi au Christ. Mais tous n’ont pas les moyens d’agir, parce qu’ils sont fragiles, ou accablés par des souffrances qu’ils n’ont pas choisies. « Heureux ceux qui pleurent », certes non parce qu’ils pleurent, mais parce qu’« ils seront consolés ». Beaucoup dans notre entourage ou même parmi nous connaissent des épreuves physiques ou morales : les Béatitudes s’adressent à eux particulièrement. Jésus conforte, et il réconforte.
Ces Béatitudes sont donc une proclamation, nous pourrions dire une « déclaration de paix », que nous avons à accueillir dans la foi et dans l’humilité du cœur. La première béatitude englobe finalement toutes les autres, elle exprime ce qu’est l’attitude évangélique fondamentale : « heureux les pauvres de cœur, le royaume des cieux est à eux ». La pauvreté du cœur, c’est l’attitude de celui qui sait qu’il peut tout attendre de Dieu. L’attitude de celui qui a trop confiance en Lui pour se croire autorisé à juger les autres : il s’en remet en toute chose au jugement de Dieu, il connaît sa miséricorde, et préfère « marcher humblement avec son Dieu » (Mi 6,8). C’est l’attitude de la foi, qui fait que dans tous les efforts que nous accomplissons, mais aussi dans nos souffrances, nous savons que le Seigneur ne nous abandonne pas, et qu’il nous mène vers notre salut.
Cette semaine, nous fêtons la vie consacrée. Les consacrés sont des veilleurs qui guettent l’aube qui vient. Ils témoignent de l’espérance chrétienne. Puisse leur témoignage nous donner de suivre nous aussi le chemin des Béatitudes.
Père Henri de l’Eprevier