Feuille d’informations – du 5 au 11 février 2023
« Passe-moi le sel »
« Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde » Des paroles fortes que Jésus adresse à la foule des disciples qui l’écoute sur la montagne où il se tient, mais qu’il adresse aussi aux chrétiens de tous les temps qui veulent mettre leurs pas dans les siens. Car oui, le verset de l’alléluia nous le rappelle, c’est d’abord Jésus qui est la Lumière de monde. Mais il veut que sa lumière brille par nous, que la nouveauté irremplaçable dont il est l’auteur soit un sel que les chrétiens apportent avec eux où qu’ils aillent. Jésus a une vocation pour nous : que nous soyons sel de la terre, et lumière du monde.
Aussi indigne puissions-nous nous juger pour cette vocation, la Parole de Dieu nous redit aujourd’hui que la contribution des chrétiens à la société humaine est irremplaçable : en sommes-nous conscients ? Sommes-nous conscients que l’Église porte en elle ce sel et cette lumière ? Dans une période où la faiblesse, et même le péché, de certains de ses membres s’étalent douloureusement sous nos yeux, nous pourrions être tentés de l’oublier, ou même d’en douter. Les réflexions, décisions et réformes à mener sont certes nécessaires, mais il serait problématique qu’elles occultent la première interpellation qui se pose à l’Église – et donc à chacun de ses membres : quelle est ma fidélité à la Parole de Dieu et aux sacrements ? Car voici les deux risques que Jésus pointe : la fadeur du chrétien, et la mise sous le boisseau de la Vie dont il est porteur ! Voilà le premier travail à mener : « que notre obscurité devienne lumière de midi » (Is 58,10).
D’ailleurs, sommes-nous conscients que la vie du Christ en ses membres a déjà produit à travers les siècles un renouvellement de la vie sociale et des mœurs tout à fait incroyable et impressionnant ? Cela se mesure notamment dans la reconnaissance de la dignité de toute personne humaine, inconnue dans l’Antiquité et qui pourtant nous paraît aujourd’hui tellement évidente. Cela s’est traduit par l’essor des hospices, des œuvres de charité, l’invention des universités, etc… Mais rien de cela n’est acquis si le sel devient fade. Prenons un exemple – polémique : la foi chrétienne a reconnu à l’enfant à naître une pleine dignité humaine : « dès le ventre de ma mère, tu es mon Dieu. » (Ps 21,11) dans le grand mouvement d’évangélisation des cœurs et des mœurs. Mais cette dignité est bien souvent devenue confuse et inévidente pour la conscience contemporaine. En témoigne le passage en 50 ans d’une loi de dépénalisation à un projet de loi constitutionnelle qui consacre un droit de vie et de mort sur un être humain dans les premières semaines de son existence : un choix de société qui révèle notre carence à offrir à tous un accueil fraternel et solidaire, en particulier dans l’entourage des futures mères, et même en milieu chrétien. Être sel de la terre et lumière du monde n’est jamais un acquis ni un titre dont nous pourrions nous prévaloir mais c’est un appel qui nous engage sur une pratique concrète de l’amour fraternel.
Père Louis Thiers