Feuille d’information du 06 avril au 12 avril 2025

Sortir de l’impasse, par le haut (plutôt que par la tombe)

« Ne faites plus mémoire des événements passés, ne songez plus aux choses d’autrefois. Voici que je fais une chose nouvelle » dit le Seigneur au peuple qui sort de captivité. Et comme en écho, nous entendons saint Paul dire aux Corinthiens : « oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant, je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus ». Les lectures de ce dimanche nous lancent un double appel : ne pas rester fixer sur le passé mais accueillir la nouveauté qui vient de Dieu.

Nombreuses sont les situations qui piègent certains d’entre nous dans le regard vers le passé, vers son passé. Parfois ce sont des regrets, on voudrait avoir agi autrement ; parfois c’est un regard nostalgique sur une vie passionnante, brillante, avec un certain succès, mais qui paraît bien pâle lorsqu’elle appartient au passé ; d’autres fois c’est le poids d’un péché, parfois très ancien, mais qui est bien là, et qui pèse ; ou parfois encore c’est un deuil impossible, de ces deuils d’un être aimé et parti trop vite. Et ces regards vers le passé ne sont pas nécessairement l’apanage du grand âge…

La Parole de Dieu nous invite à porter notre regard plus loin, vers l’avant, vers le haut. La rencontre du Christ et de la femme adultère en est l’illustration en acte. Jésus ne nie pas son péché, mais ne la condamne pas ; il ne retient pas contre elle son passé, mais il lui ouvre un chemin inespéré : « va et ne pèche plus ». Au nom de quoi agit-il ainsi ? Est-ce simplement du « mind control », un changement de pensée ? Non, ce ne serait pas sérieux. Celle que la Loi condamnait découvre la grâce. C’est l’expérience pascale, le chemin de l’exode, le chemin des hébreux à travers le désert, invités à ne plus regarder vers l’Égypte mais à accueillir l’Alliance avec le Seigneur comme un don gratuit, dans le désert, pour entrer en terre promise.

Si la génération sortie d’Égypte est morte dans le désert, c’est qu’il y a bien une mort à vivre dans cet exode, une mort dont la réalité s’éclaire dans la sagesse de la Croix. Là où la mort accomplit son œuvre implacable, le Christ par sa mort et sa résurrection ouvre un avenir. « L’homme ancien qui est en nous a été fixé à la croix avec lui pour que le corps du péché soit réduit à rien, et qu’ainsi nous ne soyons plus esclaves du péché. (…) Et si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. » (Rm 6,6-8) Combien furent-ils dont la rencontre avec le Seigneur a été synonyme de sortie d’une impasse : la femme samaritaine, Bartimée, Zachée, etc. Nous pourrions continuer la liste avec tous les saints. Notre union au Christ qui fait miséricorde dans le jugement ouvre en nous une nouvelle fécondité, un avenir, une espérance là où la vie semblait stérile, vaine, ou sans ambition.

Quitter l’homme ancien pour entrer dans la vie renouvelée par le don de grâce : c’est le chemin que suivent les catéchumènes, mais c’est notre chemin à tous durant ce Carême. Accueillons ce don de Dieu : ayons à cœur de recourir au sacrement de la Pénitence et de la Réconciliation pour nous préparer aux fêtes pascales, déchargeons-nous sur le Seigneur de tous nos soucis, soyons généreux dans l’exercice de la miséricorde, tournons nos yeux vers l’avant, vers le haut grâce à la prière. Alors chacune de nos vies sera témoin et signe de l’espérance nouvelle qui s’est levée sur le monde, l’espérance du salut.

« en vertu de l’espérance dans laquelle nous avons été sauvés, en regardant le temps qui passe, nous avons la certitude que l’histoire de l’humanité, et celle de chacun, ne se dirige pas vers une impasse ou un abîme obscur, mais qu’elle s’oriente vers la rencontre avec le Seigneur de gloire. » (François, bulle d’indiction du Jubilé, no19)

Père Louis THIERS